dimanche 29 septembre 2013

Duroy de la piste...

De la Bretagne à la Belgique, du cidre à la bière, à croire que l'on peut suivre le trajet de Lionel Duroy à la mousse.

Mais son récent passage à la RTBF(*) m'a fait surtout penser qu'il avait pu faire Paris-Bruxelles sur son deux roues. Alors, que ceux parmi vous qui ont des dons d'imitation, prennent la voix de Léon Zitrone pour me lire.

Le romancier français Lionel Duroy a remporté la Course des Deux Capitales haut la main, ce 24 septembre 2013 à Bruxelles. Il a été le plus rapide sur ce parcours longtemps balayé par une seule question existentielle  : "Qu'est-ce que vivre ?"

Il a devancé d’un souffle le journaliste belge Pascal Claude, par une attaque des plus saignantes : "C'est l'interrogation philosophique par excellence, quoi".

Son désormais célèbre quoi en fin de phrase lui a permis de tout risquer sans chute ni abandon. Après 320 kilomètres  et 24 minutes d'interview, Lionel Duroy était collé au goudron tel un papier gras sur le comptoir d'une friture. 

Tandis que son adversaire pensait qu’il ne pisserait pas plus loin que le manneken-pis, il poursuivit son ascension : "Je trouve que la première chose à faire, c'est payer le prix pour s'emparer de sa vie. C'est à dire ne pas laisser les autres - notamment les frères et soeurs, les parents, au nom de pudeur, de tas de choses, vous piquer votre vie en vous disant : non ça t'as pas le droit de le dire, parce c'est ce qu'on a partagé, t'as pas le droit, etc. Bon, non.  Je pense qu'il y a un prix à payer effectivement. Le prix à payer c'est peut-être un certain nombre de ruptures pour s'emparer de sa vie.  Parce que la seule chose qu'on possède dans la vie, c'est sa vie précisément".

Il faut dire que Lionel Duroy porte son héritage sur le dos comme on revêt un dossard. A chaque livre une nouvelle étape. Il lâche souvent le peloton et passe seul de sacrées bosses, sans jamais jeter l'éponge.
Pas étonnant que la femme pour qui il eut son premier émoi soit une cousine qui lui ait appris à faire du vélo. Il a donc su très tôt se casser la gueule devant une femme et surtout il a sans doute toujours espéré qu’une femme serait là pour l'aider à se remettre en selle.
Parfaitement prêt à sortir son petit braquet pour les hauts sommets, il n’empêche qu’à un moment ou un autre, il sait qu'il mettra la grosse. Non je ne suis pas vulgaire, j’essaie juste de me lancer dans la littérature érotique pour cycliste. 
C’est vrai qu’il a eu à franchir de nombreux cols, certains plus durs que d’autres. Mon psy - s'il me lit - doit penser à ce moment précis que Lionel Duroy a sans doute eu beaucoup de mal à franchir le col de l’utérus. Mais cela est juste dû au fait que les psy aient un problème avec les chambres à coucher plus qu'avec les chambres à air, n'est-ce pas docteur?
Après le col-let monté de sa famille, le col-lé serré de ses amours, il a su jumeler cyclisme et écriture comme personne, y laissant bien des fois ses bijoux de famille.
Pourtant, chose incroyable : il n’a même pas bâché au bout de deux mariages. Lionel Duroy est sans doute un bon grimpeur pour les petites reines. Je l'entends leur dire d'ici : "Avec Duroy, on visse... quoi!"
Pour la vie, la sienne, faites gaffe quand même, Lionel Duroy c'est un client ! Mais assurément, quand il avoue "tout le travail secret qu'il faut fournir pour ne pas rater complètement sa vie", brandissant son oeuvre comme on lève une coupe au ciel, même en roue livre, on a quand même envie de le suivre.






(*) Lionel Duroy invité de Tout le Monde y passe - RTBF - 24/09/2013

lundi 23 septembre 2013

"Je crois que nous sommes nombreux à héberger en nous un emmerdeur..."(*)

Alors que Lionel Duroy entamait sa tournée de dédicaces dans le Finistère ce week-end, je me sentais comme une bigoudène à la mer, en entrant dans ma librairie de quartier samedi.

J'attendis patiemment que le vendeur se décide enfin à me lancer une corde pour m'attirer aux rayons poche où je m'échouais lamentablement. La motivation n'y était pas et il s'en rendit compte. 

Son étonnement fut alors de taille lorsqu'il me vit le dépouiller des quatre Lionel Duroy que j'avais sous les yeux. Il m'accompagna à la caisse comme pour en savoir plus sur un tel appétit.

Je finis par lâcher telle une mouette son guano : "Ils ne sont pas tous pour moi", même si je n'étais pas dans un commissariat en possession de sachets de blanche dans mon jeans.
  
Je sortis pourtant satisfaite de cette pêche miraculeuse. Je me dis que j'avais sans doute eu plus de chance de trouver quatre livres qui me convenaient que Lionel Duroy n'en avait eu pour dénicher un hôtel à son goût à Huelgoat.

Mais de quoi allais-je faire de toutes ces pages noircies, moi qui en ce moment traque plutôt la page blanche ?

Certains écrivains ont des nègres, c’est connu. Mais les lecteurs ? Pourquoi ne feraient-ils pas faire le boulot à d’autres ?  En parfaite emmerdeuse, je décidais donc de trouver quatres "négresses" qui auraient pour mission, si elles l'acceptaient, de lire Lionel Duroy à ma place. 

Le choix des oeuvres n'avait pas été des plus complexes car le seul critère était : disponibilité en livre de poche, chez un libraire de proximité, un samedi après-midi.

Pour les lectrices, il fallait ne rien compliquer non plus. Aussi je décidais de déposer dès le lundi matin trois des ouvrages sur le bureau de proches collègues, le quatrième serait pour mon amie V., chargée de "Priez pour nous".

Je ricanais seule dans le couloir en pensant que les livres battaient tous pavillon "J’ai lu", un pied de nez qui convenait parfaitement à la situation.

En définitive, je suis assez peu surprenante dans mes élucubrations pour les personnes qui partagent mon quotidien, alors mon extravagance fut accueillie sans vague. 

J'entendis malgré tout quelques remarques d'usage comme celles que l'on fait au pied d'un sapin à Noël :


-"J’ai trouvé ça curieux ta démarche. On dirait même que ton cas s'aggrave. Mais en lisant la quatrième de couverture, l’histoire a l’air quand même sympa ». 
Prête à embarquer pour Turin, I. La fleur bleue papillonne déjà de tous ses cils, tellement Hélène et Marc sentent bon le soap opera.
-"Et merde, ça fait trop chier, j'ai eu le plus glauque, lisez moi ça !" 
Le prix Renaudot des lycéens fait l’effet d’un gravier dans une chaussure de M. La baroudeuse. Torturée à l'idée qu'elle aurait à en faire une fiche de lecture, elle lit un passage à voix haute et entre dans le livre comme Jovo se perd dans les faubourgs de Belgrade. 

Son mécontentement l'amène à déambuler jusqu'au bureau de K. L'aristo qui, après un "Merci" discret, claironne face à la plaignante : "J'ai le plus gros!!". "Le chagrin" dans la main mais la joie au coeur, on sent chez elle la revanche d'une paria, à qui ce pavé dans la marre des nantis fait bien plaisir.





(*) Extrait de : "Le Chagrin" de Lionel Duroy








vendredi 20 septembre 2013

"Et maintenant je me demande..."(*)

...ce que Lionel Duroy pouvait bien penser de ma lettre, pour ne pas avoir daigné me répondre. Mais soit.

Je me dis juste que cela ne correspond pas à l'idée que je me fais de ses bonnes manières. 


"Tout ce père" comme aurait fourché volontairement mon psy, convaincu que je cherche en tout homme une reconnaissance paternelle.

Mais selon toute vraisemblance, et même selon plusieurs expériences personnelles malheureuses, les écrivains écrivent des livres mais pas de lettres. Il faudra s'y faire.

Pourtant en guise de réponse, je m'étais préparée à tout puisque je ne m'attendais à rien.

Le support utilisé m'obsédait cependant.


Les courbes sinueuses de son écriture mariées à celle d'une carte postale du mont Ventoux m'auraient ravie.


Une vielle publicité cornée d'un des premiers cycles de la maison Singer m'aurait convenu également. 

J'aurais apprécié tout autant une photographie de lui, réalisée par Sébastien Leban. Celle prise dans son appartement parisien, en gros plan, les yeux clos, aurait fait l'affaire.

Mon support préféré revenait tout de même à la carte à jouer ancienne signée au dos : "Duroy de coeur !".


Lui qui écrivit cette année dans Vertiges "On ne peut jamais savoir comment un livre sera reçu", j'ai envie de lui demander ce soir:  "Et comment fait-on pour une lettre ? "




(*) Extrait de : "Vertiges" de Lionel Duroy











mercredi 18 septembre 2013

Que Lionel Duroy me pardonne...


Je dédie ce blog à David sans lequel ma folie ordinaire ne s’exprimerait pas ici. Merci à Lionel Duroy pour les mêmes raisons. Je remercie aussi l'internaute qui a cherché mon blog sur google en tapant "Lionel Duroy un jour je te lierai". J'ai trouvé cela très...comment dire ? Poétique et touchant. Merci enfin au si bémol qui se reconnaîtra parfois à côté du fa dièse dans cette partition.


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«C’est extrêmement pénible de se dire que dans la vie on ne comprend pas, parce qu’on a peur». Lionel Duroy

                                                                                  (Émission Les Bonnes Feuilles sur France Culture le 21 Août 2013)

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Des tas de blogs sont consacrés à des auteurs que des lecteurs aiment ou détestent.

Ici je vais consacrer ces pages à un écrivain que je n’ai jamais lu et que je ne lirai sans doute jamais.

Il le sait par une lettre que je lui ai adressée le mois dernier. 

Ma démarche n’est pas critique envers Lionel Duroy. Il est sans doute un écrivain apprécié de beaucoup. Il a même été reconnu pour cela par de nombreuses récompenses littéraires. 

Cependant, je suis à tel point troublée par l’homme et ce qui émane de lui, qu’il me faudra vaincre ce trouble avant de pouvoir entrer dans ses textes.

Au travers de ce qui est dit par lui mais aussi par d’autres à son sujet, je vais m’attacher à vaincre la peur bleue qui m’anime à l'idée de le lire. 

Dans ma vie, combien de fois ai-je entendu cette phrase absurde : «Tu devrais lire Machin, tu devrais aimer» ?

Comment apprécions-nous un texte ? Que faire pour qu’il pénètre en nous comme de la Biafine après une brûlure ? Je n’en sais rien. Chez moi, je dirai qu’il s’agit plutôt d’une claque à laquelle on ne s’est pas préparé, un bruit soudain au détour d’une rue qui nous atteint brusquement. Chaque fois un nouveau texte est comme une nouvelle agression. 

Alors dans ce chaud mois d’août quand j’ai entendu des mots de son dernier livre, j’ai senti qu’il fallait que j’échappe à Lionel Duroy. Il risquait de m’emmener tel un ogre pour me laisser dévorée par ses pages. 

Et voilà... parce que je sens chez cet écrivain une quête effrénée d’amour qui me renvoie à mes propres douleurs, j’ai décidé de lutter.

L’idée de ce blog m’est réellement venue dimanche dernier en écoutant l’émission des papous dans la tête sur France Culture. Deux des invités reconnaissaient n’avoir jamais lu, si mes souvenirs sont bons, Bazin et Mauriac. Pourtant l’un d’eux semblait connaître  et apprécier parfaitement Mauriac et son oeuvre. Je me sentis rassurée de vouloir aimer Lionel Duroy sans jamais l’avoir lu.  

S’il vient à parcourir ces lignes et qu’il en est peiné, je lui demande d’avance pardon. Il a écrit  cette phrase un jour : «Il faut faire quelque chose de ce qui nous arrive». Je fais ce que je peux.